Lettre ouverte
Pierre Laffitte
A Monsieur Nicolas Ormaechea
menbre correspondant
de l'Académie de Langue Basque.
Monsieur et cher bienfaiteur,
Votre article de "Gernika" relatif à l'Académie Basque m'apprend enfin que j'ai, à votre égard, une dette immortelle.
Vous l'avouez, c'est vous qui, ayant découvert mon "euskera encantador", m'aviez fait nommer, il y a plus de vingt ans, membre correspondant de cette docte société. Quoique tardifs, veuillez agréer mes remerciements les plus chaleureux pour cette charité d'un jour: d'autant plus que cette précieuse nomination m'a valu d'être récemment élu comme titulaire.
Permettez-moi néanmoins de m'étonner de votre attaque brusquée contre les Labourdins: "Son ustedes descontentadizos. Todos quieren ser académicos de número; ninguno correspondiente."
"Todos"! C'est beaucoup dire. Vous citez le cas de feu M. Lacombe (qui n'était pas, du reste, Labourdin). Mais une hirondelle ne fait pas le printemps; et, à ma connaissance, M. Lacombe n'a jamais poussé ses prétentions jusqu'à faire savoir urbi et orbi quel serait le seul siège où il pût asseoir... sa dignité.
L'insatiabilité labourdine et une légende poétique, à moins qu'elle ne soit la projection d'une hantise subconsciente.
Quand "Herria"a publié "Bonnes nouvelles"je ne pensais pas siéger à l'Académie. L'article présentait au public un état de la question selon une correspondance biscaienne que jje croyais sûre.
Ultérieurement une rectification a paru: les projets analysés n'étaient que des avant-projjets dont l'Académie n'avait pas et n'a pas encore adopté les termes ou même l'esprit.
C'est assez dire que les critiques parues dans "Gernika"atteignent peut-être des opinions particulières, mais pas du tout le corps académique. Il est dommage que vous n'ayez pas tenu compte de cette rectification.
Monsieur et cher bienfaiteur, je serais un ingrat, si je ne déplorais en public, comme je le fais entre amis, votre absence de l'Académie Basque. Peut-être, en séance, ne serions-nous pas toujours d'accord: car vos paradoxes ne rejoignent pas souvent mes façons de voir. Du moins n'aurais-je aucune peine à saluer en "Orixe"l'un des plus remarquables artisans des Lettres basques.
Je souhaite donc votre prochaine titularisation et votre arrivée parmi nous "in hymnis et canticis".
De grâce, ne craignez pas que les pauvres "continentaux"colonisent l'Académie et la confisquent à leur usage exclusif, devenant "tout"là où ils n'étaient que "très peu de chose": ils savent assez, et au besoin vous ne manqueriez pas de leur répéter avec délicatesse: que, après tout, "la Academia nació en la Peninsula y nadie, y menos los Labortanos, deben considerarla como cosa propia."
Monsieur et cher bienfaiteur, que Dieu vous conserve longtemps comme gardien vigilant de notre humilité et comme collaborateur efficace d'un humanisme d'union.
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